jeudi 20 décembre 2012

Réunion de crise au Téléféérique : anonymat ou bien ?

– Les gars, il paraît que nos idées sont appréciées, mais que notre anonymat leur nuit.
– Sûr, on est à l'époque médiatique, une connerie dans la bouche d'Adriana Karembeu pèse plus lourd qu'une vérité dans la bouche des Tartanpions Anonymes.
– Pour sûr, t'as pas la ligne d'Adriana…
– Dis leur que t'es écrivain, ils nous prendront au sérieux.
– Ecrivain, t'es malade… tu veux nous déconsidérer ou quoi ?
– Il a raison, ces gars n'écoutent que les technocrates. Ils croient même pas en leur propre jugement, alors un écrivain…
– C'est vrai, on les a entendus, ils n'ont que le mot 'études' à la bouche.
– S'ils veulent du technocrate pour être en confiance, posez vos diplômes d'ingénieur sur la table 
– Enarque ce serait le top… personne n'a fait l'ENA dans nos rangs ? ou Les Mines ? Ou HEC, c'est tendance.
– Oui, c'est bien énarque… Ce sont les mecs qui te mettent dans la merde et qui après prétendent t'expliquer comment en sortir.
– T'exagères, ils sont pas tous comme ça.
– Il y a des exceptions.
– Les gars on n'avance pas, on reste anonyme ou pas ?
Un philosophe reconnu, Harbermas, un gars bardé de diplômes et de distinctions de tout ordre, a écrit que l'anonymat était un des moyens pour le citoyen de base de faire entendre sa voix à égalité avec les hommes de pouvoir. Il montre en effet que l’espace public moderne résulte d’une suspension identitaire. L’échange d’idées prime sur la répartition des rôles sociaux. Les cafés, les journaux et les blogs représentent des lieux ouverts où chacun peut participer, indépendamment de son statut ou de sa naissance. On peut en effet lire dans ''L’Espace Public'' :
« La parité, sur la base de laquelle seule l’autorité des arguments peut s’affirmer et, pour finir, s’imposer contre celle de la hiérarchie sociale, signifie pour l’esprit de l’époque l’égalité des personnes en tant que simples êtres humains […] les lois du marché y sont comme suspendues, au même titre que celles de l’Etat. »
– Si on la ramène avec de la philosophie, je te dis qu'on va être la risée du canton.
– Si au moins les gens qui nous lisent se marrent, on ne leur aura pas fait perdre leur temps.
– Et si on faisait une déclaration sur l'honneur que notre seule motivation est le bien public ?
– Personne ne nous croira. Là, tu parles d'une espèce en voie de disparition… Même le Parc Régional du Vercors s'en fout, c'est te dire…
– Ou alors, on convoque la presse à une conférence : encagoulés, avec posés sur la table des piles de notre dossier…
– On n'a pas de kalachnikov, ça va pas le faire…
– Faut arrêter les vacances en Corse les mecs, ça vous porte sur le système.
– Bon, eh bien je propose qu'on y réfléchisse encore un peu.
– Je suis d'accord, ça peut pas faire de mal de réfléchir…
– Peut-être que de l'autre côté, ils vont réfléchir aussi…
– C'est des "pays", au final je les sens pas si loin…
– T'es un optimiste toi !
– Putain, peut-être qu'à la fin on va tous se tomber dans les bras en épongeant des larmes de crocodile…
– S'il y a Adriana, je ne suis pas contre…
– Voilà pourquoi on n'en sortira pas. Allez on ferme !